Les Enfants du silence

Une pièce de Mark Medoff, mise en scène par Anne-Marie Étienne

avec la troupe de la Comédie Française,

dont Françoise Gillat, Laurent Natrella, Elliot Jenicot

eds_afficheDossier de presse :
 
La Comédie-Française présente Les Enfants du silence de Mark Medoff, véritable plaidoyer en faveur du droit à la différence et de la langue des signes. Au sein d’une école pour sourds et malentendants, un orthophoniste – qui œuvre avec succès à l’apprentissage de la langue parlée – se heurte à une ancienne élève devenue femme de ménage – qui refuse le principe d’une langue normative.
 
À travers leur histoire d’amour, la metteure en scène et réalisatrice Anne-Marie Etienne relève la façon dont les codes sociaux conditionnent les relations humaines. Elle crée un espace de rencontres, à la recherche du « vivre ensemble ».

 
Pour deux raisons, cette pièce a une importance particulière pour moi.
- D'abord, faire partie d'un montage à la Comédie Française, c'est un honneur, une étape importante dans une carrière artistique, et une source de fierté.
- Et puis, pour un compositeur, aborder l'univers de la surdité est forcément complexe...
 
J'ai suivi en fac des cours de psycho-acoustique, notamment sur les fonctionnement et dysfonctionnement de l'oreille.
Cela a fortement nourri le contenu émotionnel de mes musiques, et cela m'a aussi donné l'envie de partager ces connaissances avec le public, en le faisant rentrer dans l'univers sonore des sourds.
Car, oui, tout le monde ne le sait pas, la surdité n'est que rarement silence.
Elle peut être bruit insupportable, et est souvent bruit confus et dénué de sens.
 

J'ai eu la chance d'avoir comme professeur Gilles Léothaud en fac, et à Louis Lumière ; ses cours étaient passionnants et plein d'humanité ; il y a comme ça des rencontres qui marquent profondément.

 
J'ai proposé de faire partager, par le son réel, cette perception au public. À plusieurs moments de la pièce, j'ai fait basculer le son ou la musique dans l'univers sonore de la surdité.

1 - Musique d'ouverture

Une musique épurée, presque diaphane, et les souffles qui viennent en virgules.
 

2 - Transition

Je crois beaucoup au contenu émotionnel inconscient des sons.
Ainsi, dans cette musique, j'ai utilisé des sons de pendules sonnant les heures, en limite de perception ; on ne les entend pas vraiment, mais le cerveau, qui est aux aguets, les reçoit très bien.
 

3 - Ellipse

Au théâtre comme au cinéma, la musique sert souvent à joindre 2 scènes consécutives mais qui ne respectent pas la fameuse règle des trois unités.
La musique raconte le temps qui a passé, ou un lieu différent, et agit comme un ciment entre 2 briques. Soit elle résonne comme l'épilogue de la scène qui vient de finir, soit comme prémisse de la scène qui va suivre, soit un mélange des deux, épilogue et prémisse, tout ça en quelques dizaines de secondes...
 

4 - Aus tiefer not schrei ich zu dir

C'est une cantate de J.S. Bach, "du fond de ma détresse je crie vers toi".
À un moment de la pièce, Sarah raconte comment elle perçoit la musique de l'orgue.
Le public va pouvoir entendre ce qu'elle entend, grâce à une série de traitements sonores (je n'ai pas la prétention de l'avoir fait "scientifiquement", mais plutôt empiriquement)
 

 

J'ai proposé ce morceau à Anne-Marie Étienne, plutôt que le sempiternel "Toccata et Fugue" qui était écrit dans la pièce,
d'abord parce que y'en a marre d'entendre toujours les mêmes morceaux, et puis que le titre est beaucoup plus intéressant dans le contexte de la pièce !

5 - Musique de fin

Même si la fin est ambiguë (ne comptez pas sur moi pour vous la raconter), il y a quand même de l'espoir, et une forme de paix.
Cette musique de fin est d'essence optimiste, et comme toute musique optimiste, certains la percevront comme gnan-gnan.
D'ailleurs Anne-Marie Étienne a été de ceux-là, et la 2ème partie de la musique n'a pas été utilisée.
 
Moi je l'aime bien dans sa totalité, alors allons-y pour le gnan-gnan assumé !
 

6 - Exit music

Oui, à Broadway, on appelle ainsi la musique qui accompagne le public pendant la sortie.
 
J'adore composer ces musiques ; souvent je le fais dans les derniers jours avant la Première, c'est un peu une détente, une récompense, un moment plus personnel où je livre des impressions, avec moins de contraintes.
 
Ici, je ré-utilise le thème, auquel j'ajoute de nouvelles harmonies, et je parsème le morceau d'accidents sonores, comme si l'audition dysfonctionnait.
 
Mais comme personne ne les écoute vraiment, ces musiques, tout ça est peut-être vain...